L’histoire du ramené « à la française »
et son application (correctE !)
Peu de gens connaissent la genèse de » l’atterrissage Tronqualien », ce style de ramené d’abord sur les deux pieds et son évolution sur le ramené sur 1 seul pied est né dans la tête d’Alain dans les années 90, et a depuis fait légion, même si la plupart du temps il demeure mal réalisé car beaucoup ont oublié le principe de base !
Cet article traite plus de « l’histoire » du ramené que des explications purement théoriques et biomécanique. Il est dédié à Alain bien evidemment…
Alain Tronqual – Entraîneur National saut en longueur de 1993 à 2001
Saviez-vous que ce ramené « 1 pied » est né d’une erreur d’interprétation ?
Vous allez découvrir pourquoi ! Et vous rendre compte que cette erreur fut à l’origine malgré tout de la technique d’atterrissage (100% française) la plus efficace d’un point de vue biomécanique !
C’est parti !
1 – Biomécanique
Je ne vais pas retracer la « mécanique » de la suspension, vous pourrez lire dans mon article concernant l’angle d’envol, les grands principes balistiques.
Pour résumé et bien comprendre :
La distance de saut est la résultante des vecteurs Horizontaux et Verticaux, le centre de masse suit un mouvement parabolique (balistique) dès qu’il n’y a plus de contact avec le sol, cette distance est le RANGE (dans le schéma ci-dessus).
La distance de saut est donc la somme de RANGE + la distance du Centre de masse/planche + la distance du centre de masse/point de chute des pieds.
Alain la schématisait de cette sorte :
Le but du jeu étant de projeter ses pieds, le plus avant du point de chute théorique du centre de masse !
Le ciseau et le double ciseau permettent de réaliser cela assez facilement (une rotation dans le même sens que la rotation d’origine ralentie cette dernière : « la rotation des segments vers l’avant autour d’une articulation, provoque en réaction, sur les parties du corps de l’autre côté de l’articulation, une rotation d’égale intensité et de sens opposé (3e loi de Newton). Plus les bras seront tendus (grand moment d’inertie) et plus ils tourneront vite (grand moment ciné- tique) et plus cette réaction sera grande. Le principe sera exactement similaire avec les membres inférieurs » [Olivier PAULY] : on s’en rend compte quand on chute vers l’avant : on « mouline » les bras pour se rétablir !)
Le ciseau permet ce rééquilibrage jusqu’à la fin du saut ! Ce n’est pas possible en extension car une fois les masses déplacées vers l’arrière à l’apogée du saut, la rotation vers l’avant reprend le dessus !
On aboutit ainsi à des ramenés dans cette position :
En revanche le ciseau permet les positions de ramené suivantes :
Et donc ?
Voici les gains / centre de masse !
Dans le premier dessin, le centre de masse est HORS DU SAUTEUR (entre la ligne d’épaule et la cuisse) le gain est donc minime par rapport au deuxième dessin, où là, le centre de masse est presque au niveau du bassin, on profite donc de toute cette longueur supplémentaire !
Photo de votre serviteur 😉 illustrant le propos dans l’ouvrage de jacques PIACENTA « Motricité Athlétique – édition > 1996 )
Vous n’êtes pas convaincu ?
Tout cela est mesurable et a été mesuré ! Voici les valeurs :
Valeurs collectées lors des mondes à Berlin 2009
Lapierre et Rutherford ont les plus basses valeurs, Sdiri et Garenamotse les plus grandes ! (regardez de nouveau les images ci-plus hautes !). + 70cm pour Salim !!
Dès 1970 Geoffrey H. G Dyson dans son ouvrage « Principes de mécanique en Athlétisme » (VIGOT) supposait en effet que le fait de « lancer ses pieds en avant avec les épaules en retrait était la position la plus adéquate pour bénéficier des meilleurs gains ! Mais il doutait (à tort) de sa réalisation !
http://www.amazon.fr/Principes-m%C3%A9canique-en-Athl%C3%A9tisme-2e/dp/B0095EZPNY
Le principe est donc connu et accessible depuis plus de 45 ans !
A mon arrivée en 1994 à Clermont-Ferrand et jusqu’en 1996, Alain nous a fait travailler sur ce principe : Ciseau(x) pour projeter ses deux jambes le plus loin possible.
Puis…
2 – Yvan Pedroso : Le créateur… malgré lui !
Je me souviens de cette scène comme si c’était hier !
Nous étions en hiver 1995-1996, à la Halle des sports (enfin dans les sous-sols…) de Clermont Ferrand, (je n’ai malheureusement jamais pu m’entrainer à Aubière…).
Alain arrive et nous raconte qu’il vient de revoir (encore et encore) les sauts de Pedroso lors des championnats du monde de Göteborg (1995) (gagné par Pedroso avec 8m70), et qu’il est persuadé de l’efficacité d’une nouvelle intention du sauteur cubain : chercher à atterrir non pas sur DEUX pieds, mais sur UN SEUL !
Il nous explique alors que le décalage supplémentaire du bassin en ne « lançant » qu’une seule jambe pour atterrir permettrait de « grappiller » encore quelques centimètres, en s’aidant pour cela d’un bras placé vers l’arrière.
Le geste n’est pas encore celui qu’on connait, mais le principe était posé ! Il restait à le peaufiner ! Vidéo de ce saut sur : https://www.youtube.com/watch?v=d8w3obc3mmY
On y était : le ramené un pied était né ! Dès cette séance, Alain nous demanda de tester !
Je peux dire sans fanfaronner que nous avons été avec Bakri, Kader, David et tous les autres membres du groupe, les pionniers de cette nouvelle technique, et Alain ne cessa de l’améliorer et beacoup de coach s’y sont mis également pour arriver à cela :
ou encore cela :
Ou encore :
Un peu plus tard, lors d’un stage à Clermont, Alain fit part de ces nouvelles intentions, au début les athlètes étaient plutôt dubitatifs… (je me souviens de la tête un peu effarée de Romuald DUCROS 😉 )
Tous ne s’y sont pas mis, mais le principe était posé et beaucoup l’ont ensuite utilisé, avec plus ou moins de succès, j’y reviendrais en conclusion !
3 – L’ironie de l’Histoire !
On peut dire que le papa de ce ramené est PEDROSO et Alain sa maman, mais le papa, (je l’ai découvert il y a peu) a renié son fils en réalité !
En effet, je suis tombé sur cette vidéo : une présentation d’Yvan Pedroso lors d’un congrès mondial sur la science en athlétisme à Barcelone 2010 ,Et là…surprise ! à 4min05 (il faut masquer la barre de lecture en bas de l’écran pour le voir) : Yvan PEDROSO déclare qu’il n’est pas satisfait de son atterrissage :
Sa recherche était donc bien de TENDRE COMPLÈTEMENT LES JAMBES DEVANT, et il concède une faute, une déficience : Laisser son bras droit derrière ! C’est justement ce qui provoque (entre autre) le ramené sur une jambe par effet d’équilibre des masses.
Merci pour cette belle « erreur » !
Ici en 1998, C’est la première fois en stage à la réunion qu’Alain proposait officiellement cette méthode, on le voir d’ailleurs un peu « tâtonner » dans son exécution dans la vidéo juste avant ce passage (19min02)
Conclusion
Je ne sais pas chez vous, mais en Provence en tout cas, beaucoup de sauteurs utilisent cette technique……………………………..ils ne devraient pas…!!
Vous allez me dire que je suis idiot puisque je tente de vous convaincre depuis le début de cet article que c’est la méthode la plus rentable !
Elle l’est oui, mais…
Piqure(s) de rappel : Quand nous, sauteurs de la génération des 90’s sommes passés sur cette technique (et pas tous !) DE SOLIDES BASES ETAIENT POSEES :
- Une parfaite acquisition du/des ciseau(x).
- Une parfaite maitrise du ramené sur les deux jambes.
- Un solide travail technique spécifique à l’appel.
- Un travail de pieds QUALITATIF
Le final sur un pied n’était QUE le final, c’est à dire une recherche du décalage du pied AU DERNIER MOMENT et surtout pas avant !
Trop de sauteurs (d’entraîneurs) orientent les séances sur ce point de détails au détriment du reste, on « voit » presque dès l’appel une orientation vers ce geste, c’est une faute !
Cela provoque de profond déséquilibres par rapport à l’axe du saut et des positions de ramené défectueuses…
Quelques florilèges :
Perte de l’axe, bascule de côté = pied qui va se poser sur l’aile du sautoir et chute inévitable sur le flanc.
Si on regardait un sauteur vu de dessus (désolé pour ce dessin pourri) , le point à viser est le BLEU, tout ce qui est dans l’arc de cercle des jambes est une perte car la mesure est parallèle au bac et dans l’axe de la réception…
Donc :
- Avant de vouloir ramener sur 1 pied : apprenez à bien atterrir sur les deux ! et impulsez dans L’AXE DU SAUT !
- Avant de vouloir ramener sur un pied : gardez toujours l’axe et ce depuis l’appel !!!
- Avant de vouloir ramener sur un pied : bossez votre (vos) ciseau(x) dans l’axe !
- Ce geste est un PLUS ! Pas une fin en soi…
- On ne le travail QUE dans une recherche de dernière intention et surtout pas dès l’appel ou la suspension…
- Le haut niveau doit inspirer la bonne technique, mais avant de l’atteindre il y a des étapes !
Alain demanda à son ancien collègue G. POUMARAT de STAPS Clermont de lui réaliser une modélisation informatique pour calculer le gain, il estima les gains potentiels de ce décalage 1 pied compris entre 7 et 10 cm maximum, c’est toujours ça de gagné, mais c’est la cerise sur le gateau : faites d’abord le gateau avant de penser à la cerise !!
Il faut donc passer par ça :
(Mon ramené en 1996)
Avant de pouvoir réaliser cela :
(Mon ramené en 2015)